" L'acteur a les deux pieds sur sa tombe et avance comme un nouveau-né dans le monde. Ce qui est présenté est le début de la marche pour que le public puisse prendre le relais et continuer cette marche sans but. Puisqu'il s'agit bien seulement de l'acte même de marcher. Le spectateur devrait avoir hâte de quitter sa place. Le spectacle devrait susciter l'urgence de se remettre en marche avec un champ de vision qu'on ne soupçonnait pas, avec des yeux qu'on ne croyait pas avoir. C'est un changement que l'on reconnaît à la forme même des yeux, à la manière de marcher. Ça danse presque. C'est après que le spectateur peut dire " j'ai vu " alors qu'à aucun moment pendant la représentation il ne pouvait se dire " je vois ". [...] Ainsi l'enjeu du théâtre est colossal et son effort extraordinaire : montrer ces êtres dont l'acte de marcher est vital et leur seul but, comme les statues de Giacometti, des hommes qui tiennent debout parce qu'ils marchent. "

Marc François : L'impropriété, le fugitif
in : Jean-Pierre Thibaudat (dir.), Où va le théâtre ?
Paris, Editions Hoëbeke, 1998, 46.